Le Corps canadien

(Les graphiques suivants ont été adaptés à partir de plusieurs sources. Afin d’en simplifier la lecture, nous avons utilisé les symboles standards de l’OTAN. Il est à noter cependant que ces symboles n’étaient pas utilisés à l’époque de la Première Guerre mondiale.)

Après les batailles sanglantes de 1915-1916, l’idée de regrouper l’ensemble des troupes canadiennes de combat en un seul corps canadien s’est finalement concrétisée. À ses débuts, le Corps canadien était sous le commandement de sir Julian Byng, un officier de l’armée régulière britannique, et de nombreux officiers britanniques occupaient les postes clés. Cependant, il y avait une intention manifeste d’affecter par la suite des Canadiens à ces postes. Après la bataille de la crête de Vimy en avril 1917, le commandement est passé à Arthur Currie, agent immobilier à Victoria en 1914 et lieutenant-colonel dans la milice.

Par ailleurs, il y a eu une augmentation substantielle du personnel de soutien auquel pouvaient faire appel les divisions et les différents corps canadiens. Dans l’armée britannique, la composition des divisions et des corps changeait selon les besoins. Le nombre de brigades dans une division et de divisions dans un corps pouvait changer selon les exigences d’une opération. Par contre, dès la création du Corps expéditionnaire canadien (CEC) en 1916, la structure des divisions et des corps est restée stable. Currie a résisté à la pression de créer une cinquième division en 1917 afin de garder les formations et les unités à leur plein potentiel.

Le-Corps-canadien-1918

Finalement, le changement le plus important aura été l’augmentation substantielle de la force de combat. Après les batailles d’Ypres en 1915 et de la Somme en 1916, on avait accepté d’accroître la puissance de feu et la mobilité du bataillon d’infanterie. L’adoption de la mitraillette Lewis, qui était beaucoup plus légère, a permis d’accroître le nombre de mitraillettes à la disposition des bataillons d’infanterie. Chaque peloton avait dorénavant deux mitraillettes qui pouvaient assurer le tir de couverture pendant une attaque. De plus, la division incluait aussi un bataillon de mitrailleurs équipé de 92 mitraillettes Vickers, qui pouvait fournir un soutien rapproché pendant une attaque et renforcer la défense par des arcs de feux croisés. Une division canadienne était presque 50 % plus nombreuse qu’une division britannique. Elle incluait une brigade de 3000 ingénieurs contre 700 dans une division britannique. Du début de 1916 à la fin de la guerre, le ratio de mitraillettes par millier d’hommes d’infanterie était passé de 6,3 à 12.

Les mortiers légers Stokes et les mitraillettes Vickers d’une division pouvaient être regroupés au besoin, mais ils étaient généralement liés aux brigades. Il était typique que des unités d’infanterie soient détachées auprès de sous-officiers (s/off) et d’officiers d’unités de soutien. Le nombre de mitraillettes a connu une augmentation considérable tout comme la capacité à concentrer les tirs et à travailler étroitement avec l’infanterie.

Le bataillon d’infanterie

Au commencement de la guerre, la structure du bataillon d’infanterie était en constante évolution. Au Canada, le Royal Canadian Regiment était divisé en huit compagnies, une structure convenant bien à son rôle d’instructeur des miliciens. Les bataillons anglais comprenaient quatre compagnies et ce modèle a immédiatement été adopté par le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI) et éventuellement par le reste du CEC. En 1914, un bataillon n’avait que deux mitraillettes Vickers. Bien que leur nombre ait rapidement été augmenté à quatre, ces mitraillettes étaient des armes difficiles à manier et à transporter pendant une attaque. En plus d’être généralement moins bien équipé en artillerie, en comparaison avec l’ennemi allemand, le bataillon ne pouvait compter sur aucun soutien en mortiers. En fait, au début de 1915, il n’y avait même pas assez de grenades. Non seulement les soldats étaient mal équipés, mais à Ypres, on ne pouvait leur fournir ni casque d’acier ni masque à gaz. On leur disait de respirer par un morceau de gaze préalablement humidifié.

Bataillon-d-infanterie-1914

À la fin de la guerre, la puissance de feu des bataillons avait été sérieusement accrue. En plus d’une section antiaérienne, chaque peloton était dorénavant équipé de deux mitrailleuses Lewis qui accompagnaient les troupes d’attaque au besoin. Sous commandement du bataillon, les mortiers Stokes assuraient le tir indirect. Quant aux soldats, leur équipement de base comprenait des casques d’acier et des masques à gaz et tous étaient entraînés à manier les grenades et les mitrailleuses Lewis.

Bataillon-d-infanterie-1918

La question du régiment

Ceux qui étudient la Grande Guerre se posent souvent des questions sur l’utilisation du mot régiment qui semble varier selon le cas. Dans les armées formées sur le modèle britannique, le régiment d’infanterie n’est pas une unité opérationnelle, mais plutôt un groupe de soldats reconnus par leurs habits, leurs écussons et leurs us et coutumes. Un régiment est généralement responsable du recrutement, de l’entraînement et de la gestion du personnel en plus de la caserne du dépôt régimentaire. Lorsque sa structure suit le modèle régulier, le régiment inclut plusieurs bataillons d’infanterie qui y sont associés. Lors des opérations, ces bataillons sont assignés à des brigades ou à des divisions selon les besoins. Ainsi, au cours de la Première Guerre, le régiment des Royal Scots incluait trois bataillons : le premier bataillon a servi dans la 81e Brigade, le deuxième dans la 8e Brigade d’une autre division et le troisième a été gardé en réserve au Royaume-Uni pendant la durée de la guerre.

Dans la milice canadienne d’avant-guerre, les régiments étaient limités à un seul bataillon. À la mobilisation, ces liens ont généralement été coupés. Par exemple, le Gordon Highlanders de Victoria était un régiment qui levait et entraînait des troupes au Canada, mais lorsque ses troupes ont été prêtes à être déployées, les liens avec ce régiment n’existaient plus. À la fin de la période d’entraînement de la première vague de troupes, les soldats de plusieurs régiments de la milice, dont ceux du Gordon Highlanders, ont été regroupés pour former le 16e Bataillon.

Dans l’infanterie, seuls le Royal Canadian Regiment et le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry ont gardé leur désignation régimentaire originale lorsqu’ils ont été déployés. Pour suppléer aux besoins continuels de renforts, les « régiments » de recrutement et d’entraînement canadiens étaient liés aux unités du CEC. Par exemple, le PPCLI a été regroupé avec le Régiment de l’Est de l’Ontario pour fournir du renfort. Par contre, la façon dont les renforts étaient dispersés dans les bataillons au front était essentiellement dictée par la réalité sur le terrain. Par exemple, durant la seconde moitié de 1916, le PPCLI a reçu des renforts provenant d’un grand nombre de conscrits du 13e Bataillon canadien de fusiliers à cheval de Montréal. En septembre 1916, un peloton de Canadiens d’origine japonaise de la région de Calgary faisait partie d’un groupe de conscrits du 52e Bataillon qui, en théorie, faisait partie du Royal New Brunswick Regiment.

D’autres utilisations de régiment

Pour compliquer un peu plus les choses, le mot régiment s’applique aujourd’hui aux unités opérationnelles de blindés, d’artillerie et de génie tout comme le terme bataillon est utilisé pour l’infanterie. Cependant, pendant la Première Guerre mondiale, les batteries d’artillerie étaient des groupes à l’intérieur des brigades d’artillerie. Par exemple, en 1918, l’artillerie de la 3e Division canadienne incluait :

la 9e Brigade, artillerie de campagne canadienne (A.C.C.)

  • 31e Batterie de campagne
  • 33e Batterie de campagne
  • 45e Batterie de campagne
  • 36e Batterie Howitzer

la 10e Brigade, A.C.C.

  • 38e Batterie de campagne
  • 39e Batterie de campagne
  • 40e Batterie de campagne
  • 35e Batterie Howitzer

la 3e Colonne de munitions divisionnaire

L’appellation Régiment royal de l’Artillerie canadienne n’a été approuvée qu’en 1935.